Je vais enfoncer une porte ouverte : ce qui apparait comme des évidences lorsque vous avez le nez dans votre quotidien, ne l’est pas forcément pour celles et ceux qui vous suivent à travers les réseaux sociaux. Un certain nombre de personnes m’interpellent ainsi régulièrement sur mes usages du web et en particulier sur le fonctionnement de nos comptes.
Des questions toujours pertinentes auxquelles, le plus souvent, je n’avais pas forcément songé. Je vous livre donc ici quelques unes de ces questions-réponses. Une autre façon d’éclairer ma pratique.
Je m’appuie essentiellement pour ce billet sur les questionnements de @frompennylane et @Raphipons.
Comment as-tu découvert Twitter ?
Tout à fait par hasard début 2008 à travers ma veille sur les applications internet et les usages du web 2.0. Mais je n’en ai pas saisi immédiatement l’intérêt. J’ai commencé réellement à l’utiliser à l’automne 2009, puis de façon plus intense, voire intensive à partir de février 2010 à l’occasion de la campagne des régionales sur mon 1er compte @jcdr, remplacé à l’été 2010 par @jcdrf3 (après le piratage du premier que je n’ai pas encore pu récupérer).
Comment définirais-tu ton usage de ce réseau social ?
Addictif ! Je lutte contre afin d’essayer de profiter du réel mais comme tout « addict » il m’arrive de vivre un évènement (manifestation, concert, session d’une institution,…) à travers le prisme de l’appareil photo de l’iPhone et des tweets qui me permettent de le faire vivre à l’internaute. Mais sans peut-être en profiter vraiment… Je reste (avec de plus en plus de difficulté…) toutefois en capacité de couper mon iPhone et internet quand je suis en congé (mais rarement le week-end par exemple…)
Quelles sont les différences majeures entre ton compte personnel et celui de France 3 Lorraine que tu gères ?
@jcdrf3 est réellement personnel, je diffuse et je retwette des liens ou des infos qui me paraissent pertinentes mais ne relèvent pas selon moi d’une diffusion nécessaire par mon média. D’ailleurs mes followers ne sont pas forcément ceux de @F3Lorraine. Le compte @F3Lorraine diffuse des tweets d’informations sourcées et vérifiées ou des retweets de tweetnautes identifiés par moi comme sérieux et pertinents. Ainsi que des réponses à des sollicitations. Je dirais que le ton de @F3Lorraine est égal, sérieux et amical et que @jcdrf3 reflète plus mon état d’esprit au quotidien.
Tu ne tweetes pas sur les programmes diffusés sur la chaine?
Mon travail de gestion du site internet de France 3 Lorraine ne concerne que sa partie actu et je ne suis community manager que pour la page Fan Facebook de la rédaction et son compte Twitter : je ne traite donc que de l’actualité et de ce fait je ne communique pas sur les programmes.
Ce travail relèverait plutôt du service Communication ou du service des programmes qui aujourd’hui ne sont pas administrateurs de la page ni du compte Twitter car, encore une fois, ce sont ceux de la rédaction, pas de tout France 3 Lorraine.
Nous réfléchissons actuellement à la mise en place d’une « page France 3 Lorraine » qui informerait sur l’ensemble de l’activité régionale de notre chaîne : partenariats, programmes, jeux, etc, et renverrait vers la page actuelle pour tout ce qui concerne notre suivi de l’actualité.
En essayant au maximum de jouer la complémentarité afin de ne pas perdre les actuels « amis » de la page Facebook de la Rédaction.
A noter qu’il existe une autre page fan, dédiée à un traitement spécifique, celui de l’actualité économique lorraine : « J’entreprends en Lorraine »
Tu alimentes seul @F3lorraine et la page Facebook de la rédaction ?
7 autres journalistes ainsi que notre stagiaire webjournaliste sont administrateurs de la page Facebook, mais j’en suis le principal publicateur. Pour le compte Twitter, je reste également l’unique contributeur. A noter que publier sur l’un des 2 comptes (Facebook ou Twitter) provoque une publication automatique sur la time line de l’autre compte puisqu’ils sont associés.
Les journalistes de la rédaction ne se sont pas vraiment pour l’instant emparés de cet outil de micro-blogging qui à terme leur permettra de réaliser du tweet-live d’évènements sur le terrain.
Est-ce que tous les sujets sont prétextes à interpeller l’audience sur Twitter ?
Tout dépend ce que l’on défini par « audience ». J’estime (chiffres et statistiques de notre page Facebook de la rédaction à l’appui : public plus jeune que le Premium, à 70% de 18 à 45 ans) que notre public d’internautes n’est pas notre public Premium (= de la télévision) et que ses centres d’intérêts ne sont pas les mêmes. De même le public Twitter (nos 1060 followers) n’est pas le public Facebook. Souvent les amis Facebook et les followers Twitter ne regardent pas le premium de France 3. Sur Twitter, je leur propose des sujets ciblés : info, info-service, le tout centré sur ce que je définis comme « hyperlocal régional » : météo, circulation transports en communs en période de mouvements sociaux ou de météo dégradés, teasing d’infos traitées sur notre site en en faisant le tri.
Penses-tu que cette interaction avec l’audience permette de la fidéliser durablement ?
Je constate au bout de 7 mois qu’en partant de zéro, nous restons en progression (avec un léger effet « dents de scie » en période de vacances lorsque je m’absente) sur Facebook comme sur Twitter. En parallèle, les interactions se développent et les internautes réagissent de plus en plus et de plus en plus vite lorsque nous les sollicitons (photos, témoignages, commentaires). Donc oui, à mon sens, fidéliser l’audience passe par une présence réelle et surtout pertinente. Tout est une question de respect : par exemple signaler à l’internaute un ou plusieurs jours d’absence est indispensable car sinon une brutale désaffection le laisse interrogateur puis le lasse et il s’en va. L’internaute accepte, comprend et apprécie d’être ainsi considéré. C’est aussi une question de savoir-vivre.
Une minorité de journalistes présents sur Twitter semblent réellement entamer le dialogue avec leurs followers. Pourquoi ?
Il faut le leur demander ! Parce qu’ils préfèrent donner que recevoir ? Qu’ils voient Twitter comme un organe de diffusion complémentaire à leur média plutôt qu’un outil 2.0 ? Par facilité ? Par peur d’être débordés et de ne pas savoir gérer les échanges ou de ne pas en avoir le temps ? Je ne sais pas.
Mais selon moi, entamer le dialogue avec ses followers, sur la time line ou en DM (=direct message, message privé) est un travail indispensable pour fidéliser l’audience et identifier des sources pertinentes ainsi que des internautes vecteurs d’opinion. Toutefois c’est un travail extrêmement chronophage et quotidien qui bouscule le mode de fonctionnement traditionnel de la plupart des métiers du journalisme. Il faut en être conscient et ne pas se laisser dévorer par cette chronophagie. Ecouter tout en twittant et analyser en échangeant ne sont pas des choses innées. Et rares sont pour l’instant les journalistes (passionnés ou pas par le web 2.0) vraiment formés à ces nouveaux usages.
Selon toi, quelles évolutions va connaître le métier de « Community Manager de presse » ?
Je pense qu’il n’a pas d’avenir en tant que tel. Il n’est qu’une étape car à terme ce doit être à chaque journaliste de suivre son sujet et ses développements incluant ce qui en est dit sur les réseaux sociaux. En quelque sorte assurer de la façon la plus large possible le service après-vente de son travail (papier, reportage photo ou vidéo ou son) et compléter celui-ci par ces échanges avec l’internaute. Mais cela passe par une réelle connaissance puis un réel usage du web 2.0 par les journalistes eux-mêmes. Tant que cette étape n’est pas franchie, le poste de « CM de presse » est garanti… Sous réserve qu’il ne soit pas externalisé, ce qui est aujourd’hui souvent le cas. Au risque, quand l’internaute le découvre, qu’il le vive comme une trahison….
Vos pratiques d’utilisation des réseaux sociaux sont différentes d’une région à l’autre, pourquoi ?
Les réseaux sociaux sont des outils nouveaux pour nous. La présence de chaque région et l’usage qui en découle est souvent le fait d’individus, journaliste ou pas, souvent auto-formés et passionnés par les nouvelles technologies. Notre usage est à la fois balbutiant, en construction et transversal car nous échangeons beaucoup entre pratiquants de l’internet au sein de FTV et avec nos contacts extérieurs. Le groupe France Télévisions a évolué sur ce point avec l’arrivée de Bruno Patino et de son équipe qui s’étoffe progressivement : le numérique est désormais une priorité parisienne. Mais l’appropriation du concept « numérique = avenir de ftv » et des outils (dont certains restent à définir, voire à élaborer) va prendre du temps. De sorte qu’actuellement 2 tendances se dégagent : des actions accélérées grâce à des petits groupes bien déterminés au niveau national qui ont permis par exemple l’élaboration des applis iPhone et iPad pour le direct et la VOD il y a quelque semaine, ou encore la préparation de la future plateforme info sous la houlette d’Hervé Brusini avec l’équipe numérique. L’autre action est régionale et multiforme : développement des réseaux sociaux en Lorraine, la web télé à Limoges et bientôt à Lille, des réflexions autour d’applications spécifiques de cartographie et de diaporama en Champagne-Ardenne, Picardie et Bourgogne Franche-Comté pour ne citer que quelques exemples en restant volontairement vague.
Mais à la différence des vraies parallèles, ces 2 droites ont commencé à se croiser à travers des réunions au cours desquelles chaque région de chacun des 4 pôles de France 3 a présenté ces meilleurs outils, pratiques et expériences à l’équipe de Bruno Patino venue à leur rencontre.
Pour résumer, tout est à construire, tout est d’ailleurs en construction, l’enthousiasme ne manque pas et enfin les équipes se parlent. Je veux croire qu’une fois les échanges entre la base et le sommet devenus des évidences pour chacun -avec la mise en place d’effets avérés en interne et en externe-, le reste des collaborateurs, aujourd’hui réticents ou attentistes, entrera à son tour dans cette dynamique dont je reste persuadé qu’elle est la clé pour préserver un avenir à France Télévisions.
Toutefois 2 aspects sont à prendre en compte.
Une certaine frustration pour ceux comme moi qui besognent le numérique à bout de bras, seuls ou presque dans leur région depuis des années, de voir les choses se faire de loin par les équipes nouvelles au plus haut niveau en ayant parfois le sentiment de ne pas être totalement partie prenante du processus. Même si notre activité au quotidien est indispensable pour maintenir le lien avec notre public. Soif de reconnaissance ? Sans doute… C’est tout le paradoxe : une équipe nouvelle arrive pour faire évoluer les choses en ayant fait ses preuves ailleurs. Ce n’est pas forcément un désaveu ni un manque de confiance en ceux qui étaient déjà là. Mais réunir tous ces acteurs prend parfois du temps et s’accompagnent souvent d’incompréhensions. Le dialogue est plus que jamais indispensable.
Les interrogations sur le financement de ce grand projet numérique : la tutelle, les politiques de toutes tendances, sont-ils conscients de l’énormité de ce qui se joue là ?… 2012 est dans toutes les têtes même si les équipes qui bossent ne s’en soucient guère au quotidien. Mais rien ne serait plus dramatique qu’un arrêt brutal des opérations de développement en cours…
Posted on 28/04/2011
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