Précision : cet article à quatre mains a essentiellement été rédigé par David Hourt, étudiant en journalisme de la licence professionnelle « journalisme et médias numériques » de l’Université de Lorraine à Metz, en stage à la rédaction web de France 3 Lorraine sous mon tutorat du 2 mai au 30 septembre 2012.
En école de journalisme l’une des premières choses apprise après les 5W est que la caméra, le micro et parfois même le stylo font peur. Au (futur) journaliste la charge d’aider son interlocuteur à dépasser son appréhension en le mettant en confiance et en l’incitant à se livrer.
Cette peur d’être face à la caméra, tout un chacun peut la ressentir, qu’il soit interviewé, intervieweur ou même présentateur, le sentiment de voir ses mots gravés sur une bande de film a quelque chose de sclérosant. L’outil en lui-même est tout aussi fascinant qu’intimidant, il n’y a qu’à voir la façon dont réagissent les enfants à son approche. Tout d’abord enthousiastes, dès que l’objectif est braqué sur eux seuls, ils font souvent montre de timidité, voire de réserve.
Outrepasser ces blocages est un impératif auquel doit se conformer tout journaliste. Plusieurs moyens existent, les plus évidents allant de la plaisanterie à destination de l’interlocuteur à la question posée de but en blanc en passant par l’explication de la démarche.
Dans le cadre de l’écriture d’un reportage Web, d’autres problèmes surgissent, le premier d’entre eux étant la déconsidération des médias web par le grand public (quand ce n’est pas de la part des collègues eux-mêmes) : « Ah mais à quoi ça va servir sur votre site ? » ou encore « Mais personne ne regarde votre blog » sont des phrases couramment entendues sur le terrain. Au journaliste de ne pas se laisser démonter et de montrer qu’internet sert aussi à produire de l’information.
Alors quelles solutions pour faciliter le travail et surtout dépasser cette considération quelque peu désuète du web ?
Pour répondre partiellement à cette question il convient de s’intéresser à l’un des nouveaux outils à disposition du journaliste : la tablette.
Durant plusieurs semaines nous avons été amenés à réaliser des sujets à l’aide de cet outil. Les premières vidéos ont été tournées à l’occasion des débats des élections législatives organisés par France 3 Lorraine.Nadine Morano, Jack Lang, Marjorie Goujon, Patrick Peron etThierry Gourlot ont constitué les premières cibles de cette expérience, personnages politiques avec plus ou moins d’expérience, ils sont en général assez prolixes face à une caméra. L’expérience a été concluante et a permis de tirer certaines leçons. Couverture réalisée à l’aide de l’Asus Transformer Prime.
La seconde partie de cette expérience s’est déroulée lors de l’édition 2012 du Jardin du Michel. A cette occasion ce sont des groupes, des membres de l’organisation et des membres du public qui ont été interviewés. Pour les formations musicales et les membres de l’organisation le constat est similaire à celui des politiques : habitués à la caméra, à part une proximité plus sensible, ceux-ci n’ont eu aucun problème face àla tablette. Dans le cas des bénévoles et des festivaliers, la tablette passe visiblement mieux qu’une caméra, à ceci près qu’étant un objet de convoitise, certains peuvent tenter de la subtiliser, il convient donc d’être précautionneux. Couverture réalisée à l’aide de l’Asus Transformer Prime et du Wildfire HTC.
Afin de pouvoir tester les différences entre la tablette Asusservant de point de référence et l’iPad2 d’Apple attribué dans cette période à la rédaction web, il a été décidé que le troisième test se réaliserait à l’aide de l’iPad uniquement. C’est à Chambley, à l’occasion de l’avant-première du documentaire « Au Balcon du Monde » que cette expérience a été réalisée. La tablette avait été adjointe d’une protection anti-choc, pluie et poussière ce qui, au départ a été une source de problème. Les interviews des intervenants se sont, comme à l’habitude, déroulées correctement, c’est en revanche le matériel lui-même qui a posé problème. La nouvelle coque étant adaptée à une protection totale de l’outil, il faut pouvoir maintenir les différentes languettes de protection (micro et caméra) pendant le tournage ce qui est très peu pratique. Après coup il a été décidé que l’iPad serait systématiquement adjoint d’un élastique qui maintient parfaitement les languettes. Rudimentaire mais efficace ! Couverture réalisée à l’aide de l’Apple iPad2 et du D90 Nikon.
La quatrième partie de cette expérience s’est déroulée lors d’un Powihiri dans les Jardins Fruitiers de Laquenexy (Moselle). L’occasion de couvrir en vidéo et avec un coveritlive (intégrant des contenus Twitter) cette cérémonie maorie traditionnelle à la manière d’un reportage tout en prenant des photographies à l’aide d’un appareil photo type Reflex. Passer de l’un à l’autre (smart phone, tablette, APN reflex) n’est pas une chose facile et il faut faire des choix, quels éléments passeront en photos et lesquels en vidéo ? En prenant son temps et en essayant de faire de tout, le sujet se déroule bien. Couverture réalisée en binôme à l’aide de l’Asus Transformer Prime, du One X HTC, du D90 Nikon, de l’Apple iPad 2, de l’Apple iPhone 4 et du FZ100 Lumix. En revanche la pression de ce traitement a limité notre volonté de réaliser sa couverture en bilingue.
Enfin, dernière expérience en date lors du Sonisphere 2012. L’évènement étant l’objet d’une couverture complète, le journaliste web s’est rendu sur place avec l’équipement complet : Nikon D90, iPad2 équipé dela 3G, HTC One X, Asus Transformer Prime et ordinateur portable servant de base fixe. Interviews, tweets de photos et vidéos, illustrations : l’intégralité des possibilités offertes par les outils ont été couvertes durant cette manifestation, ce qui a été l’occasion de tester les différents programmes mis à disposition. Si ce n’est le plantage de l’opérateur Orange le vendredi 6 juillet au soir, la couverture s’est bien passée, l’expérience acquise au cours du Jardin du Michel permettant de travailler beaucoup plus efficacement.
Ces couvertures nous ont permis d’établir une liste des avantages et inconvénients présentés pas les outils tablette lors d’une utilisation sur le terrain.
1. Un contact facilité
Le principal avantage de la tablette réside dans ce simple fait : la nouveauté.
Aujourd’hui encore, bon nombre de personnes n’ont jamais vu et encore moins utilisé de tablette. La curiosité permet souvent de faire le premier pas et en expliquant que l’on est journaliste, la démarche même de l’utilisation de la tablette finit par apparaître évidente à l’interlocuteur.
Charge au journaliste d’en jouer, soit en montrant immédiatement le résultat à la personne interviewée, qui sera souvent ravie de voir immédiatement le résultat de l’entrevue. Même si elle est rompue aux interviews traditionnelles. Prendre quelques minutes pour discuter dudit matériel est également une bonne idée même si cela nécessite d’avoir utilisé un panel assez large d’outils.
2. Une grande qualité d’image
Avec l’apparition des APN sur les téléphones puis sur les smartphones, la tablette bénéficie déjà des avancées technologiques dans le domaine.
Qu’il s’agisse de la dernière tablette Asus ou de l’iPad 2 (les deux outils à partir desquels cette évaluation est réalisée) la qualité d’image HD est au rendez-vous et se trouve au niveau des standards actuels de la vidéo internet.
De plus la versatilité de l’objectif qui permet à la fois de photographier et de filmer offre à l’utilisateur d’être sur deux fronts : il peut filmer et twitter dans le même temps pour peu qu’il dispose d’une connexion 3G ou WiFi suffisante.
Néanmoins lors de l’utilisation de l’appareil photo, il convient de noter que la prise de vue est parfois un peu approximative et peu rapidement être floue lorsque les conditions lumineuses se font difficiles. Le réglage semi-automatique de la mise au point peut aussi être handicapant lors de prises de vues rapides. Il ne faut donc pas entièrement s’y reposer et préférer la compagnie d’un appareil photo, reflex si possible.
3. L’autonomie
Dotées d’une autonomie plus qu’intéressante (dans le cas de la tablette de chez Asus on approche des 8 heures pour une utilisation normale, 14 si elle est utilisée avec le clavier) elles permettent d’être utilisées sur la longueur sur le terrain.
L’iPad2 3G a également fait montre d’une très bonne autonomie sur le terrain, tenant tout une journée sans soucis, avec une utilisation assez intensive (beaucoup de vidéos de 15 secondes tournées ainsi qu’une interview de 3 à 5 minutes par jour).
Si les appareils sont rechargés le soir précédent, cela suffit en général pour tenir la journée dans des conditions d’utilisation soutenues.
4. Des soucis de stabilité
L’un des problèmes majeurs rencontré sur le terrain est celui de la stabilité de l’image. Même lorsqu’elle est tenue à deux mains, la tablette tremble un peu. Utiliser un support peut devenir nécessaire, mais ce n’est pas toujours possible, d’autant que cela peut atténuer cette proximité que l’on tente d’instaurer avec le sujet.
Ce genre de soucis peuvent poser un souci lors d’une utilisation en premium, quoique la tendance actuelle soit de se dispenser de pied pourla caméra. Letremblement est assez sensible lors des interviews lorsque le journaliste pose une question, la tablette suivant les mouvements du corps.
5. Un son parfois faible
C’est là le principal reproche que l’on peut faire à l’outil, si la qualité sonore est là (lors d’une interview réalisée à la base aérienne de Chambley, un avion à hélice passant dans le fond n’est absolument pas capté par le micro) le volume est parfois un peu faible.
Pour peu que l’interlocuteur ait du mal à élever la voix (en particulier dans un environnement bruyant), il faut un léger travail en post-production pour régler ce problème. L’utilisation d’un micro Bluetooth (sous réserve de la possibilité technique) pourrait également être envisagée, à condition de trouver du matériel performant.
En conclusion :
L’outil tablette ouvre énormément de possibilités pour peu qu’on se donne la peine de s’en servir, tant en interview que lors de la couverture live d’un évènement. La condition est de bénéficier des infrastructures nécessaires à une bonne connexion internet (3G ou WiFi protégé et flux conséquent).
Il faut également réinventer la façon de travailler et de penser l’image : la tablette est normalement maintenue à deux mains, elle se trouve face à l’interlocuteur qui va généralement regarder droit dans l’objectif. Personnellement j’ai tendance à croire qu’une interview menée de cette façon fait plus « web », ce qui est un choix parfaitement discutable. Dans le cas de l’interview de Philippe Buron Pilâtre, la convention de l’interview de ¾ a été choisie afin de respecter les canons de l’Itw traditionnelle : le regard de l’interviewé va vers l’intervieweur.
Sa facilité d’utilisation et sa grande attractivité font de la tablette un outil intéressant si ce n’est indispensable sur le terrain pour tout journaliste web. Après une période d’apprivoisement, somme toute assez courte, son utilisation devient un véritable plaisir.
Choisir entre Android et IOS est une question de goût. personnellement je préfère l’appareil d’Asus qui, à mon sens, possède une meilleure image mais est aussi plus simple à transporter et bénéficie d’un clavier déporté, séparable. Son principal inconvénient est qu’il ne dispose d’emplacement pour une carte sim 3G. Un smartphone servant de point de relais devra donc être disponible à proximité (à moins d’un mètre de préférence : poche du journaliste par exemple) ou à minima une clé 3G USB si la tablette est sous un autre OS qu’Androïd. J’ai fait le test avec le HTC One X et la synergie des deux appareils (tablette sous Androïd et smartphone pouvant générer un point wifi) est excellente mais gourmande en batterie pour le téléphone.
Détail pratique : coupler via USB le smartphone et la tablette intégrée à son clavier permet de recharger le téléphone tout en l’utilisant comme point wifi.
Addendum : notre liste des programmes utilisés :
Le programme APN de l’Asus Transformer Prime :
Il remplit parfaitement son office pour tout ce qui est image, la mise au point se fait assez rapidement et la tablette gère plutôt bien les lumières vives (moins de brillances dans le cas de lumières rouges fortes). Aucun souci de ce côté-là.
Le programme permet également un réglage rapide de la sensibilité, de la résolution et l’application de différents effets. Une après-midi d’utilisation réellement intensive permet d’apprivoiser totalement son fonctionnement.
Movie Studio, programme de montage natif pour Asus Transformer Prime :
Un programme livré avec la tablette, très simple d’utilisation même s’il est parfois difficile de réduire la taille d’une vidéo sur la timeline, en s’y reprenant un peu on arrive à ce qu’on veut. S’apprivoise très facilement et est doté de fonctionnalités intéressantes : ajout de photos, de bande son, de transitions, de textes et d’effets. Les projets peuvent également être exportés tout en étant sauvegardés à la taille originale, ce qui peut être intéressant si votre connexion internet n’est pas suffisante et qu’il faut envoyer une vidéo rapidement avant de l’uploader en HD. Le rendu se fait assez rapidement même s’il faut éviter que la tablette ne se mette en veille pendant le travail, ce qui cause un plantage.
Plume pour Android :
Utilisé sur Asus Transformer Prime et sur HTC One X, ce client pour Twitter constitue à mes yeux l’un des meilleurs du moment. Possibilité d’affichage en colonnes surla Transformer Prime, c’est un sérieux atout par rapport à ses concurrents Hootsuite et Tweetdeck. Sur téléphone portable comme sur tablette son utilisation est aisée et l’affichage multicomptes est très clair, fonctionnant par codes couleurs. L’affichage des Trendig Topics est également disponible. L’ajout de photos est très simple et le client permet des posts de plus de 140 caractères en notifiant les personnes ciblées.
Twitvid pour Android et IOS :
Client de publication de vidéos courtes sur Twitter, il est à mon sens le meilleur de sa catégorie (légèreté de l’interface, facilité d’utilisation…) mais il souffre d’un défaut majeur, là où Viddy donne un compte à rebours de 15 secondes, ici c’est à l’utilisateur de faire attention à la durée de sa vidéo. Avantage ou inconvénient, on se prend parfois à oublier qu’on tourne lorsqu’on est en plein concert et cela peut être fatal pour le réseau 3G. Et pire en Edge : durée d’envoi supérieur à 15 minutes pour ne vidéo d’une minute. Le programme permet également une mise en pause de l’envoi d’une vidéo si vous voulez le reprendre plus tard, lorsque vous aurez plus de réseau par exemple.
Programme APN HTC One X :
Le programme APN de ce téléphone portable est tout ce qu’il y a de classique et permet les mêmes choses que celui de l’Asus. Une prise de photos en rafales est possible, avec une sélection de la meilleure d’entre elle qui se fait directement après les prises de vues, une fonction HDR et un switch rapide entre photo et vidéo. Un problème néanmoins mais qui tient plus du matériel que du programme en lui-même. Le HTC One X a de gros soucis de focus, surtout pour les objets proches, il met du temps à faire le point et lorsqu’il le fait le premier plan est souvent flou. Aucun problème en revanche pour les objets situés à plus de30 centimètres. La qualité de prise de vue est très bonne et est équivalente si ce n’est meilleure que celle des iPhone 4 et 4S.
Programme APN IOS :
Je dois bien avouer que j’ai eu quelques soucis avec ce programme pourtant simple d’utilisation. Beaucoup de difficultés à trouver les réglages (je cherche encore) au niveau de l’image, de la résolution et de tous les autres paramètres à prendre en compte lorsque l’on tourne des images. Point positif cependant, le passage du format 4/3 au format 16/9 se fait par une simple double pression sur l’écran et le passage de la fonction appareil photo à la caméra est extrêmement rapide. La qualité d’image est très bonne malgré une sorte de zoom intégré à l’appareil qui est déroutant de prime abord et qui force à se placer assez loin du sujet interviewé.
ReelDirector pour IOS :
Programme de montage payant, il offre de grandes possibilités (titres, transitions, textes de fins…) qui sont facilement accessibles. Globalement équivalent à Movie Studio sur Android, j’ai remarqué quelques défauts qui peuvent poser problème sur le terrain : la compression des vidéos est aléatoire, le programme propose trois modes (High, Medium, Low) et n’indique pas la taille finale de ladite vidéo. Directement lié à cela, le programme semble utiliser le montage original pour effectuer la compression et il n’y a pas de retour en arrière possible. Il m’a fallu par exemple effectuer deux fois le même montage pour avoir le fichier à la taille originale et compressé. La découpe à la seconde est difficile, le programme n’acceptant que les secondes entières et pas les millisecondes, lorsqu’il est nécessaire d’avoir une découpe plus précise il faut passer par un programme extérieur. A part cela je l’ai trouvé plus simple d’utilisation que son équivalent Android, les montages s’y font plus rapidement.
Hootsuite pour IOS et Android :
Les versions du programme diffèrent selon la plateforme, en ce qui concerne les supports Android on lui préfèrera Plume (voir plus haut). Sur IOS en revanche il se place sans problèmes au rang des meilleurs clients Twitter. Affichage multicolonnes, fonction recherche, programmation de tweets… Tout y est et permet de travailler sur le terrain avec beaucoup de facilité (programmer un tweet de relance de CoverItLive lorsqu’on se rend sur un évènement par exemple). Un must have pour tout iPad destiné à livetweeter un évènement.
Viddy pour IOS :
Non disponible sous Android, on lui préfèrera tout de même son cousin Twitvid, même sous IOS. Ce programme fonctionne bien en général, mais montre rapidement ses limites dans le cas d’une utilisation intensive. La compression des vidéos est assez hasardeuse et semble parfois de moins bonne qualité que sous Twitvid lorsqu’elle ne plante pas tout simplement. Il ne prend également pas en compte les vidéos d’une durée strictement supérieur à 15 secondes (si votre vidéo fait 15,01 secondes il faudra la découper avant) ce qui peut faire perdre beaucoup de temps. Il est également assez long à lancer et peut donc faire manquer quelques images. Son principal atout réside dans le compte à rebours intégré au programme qui coupe la vidéo au bout de 15 secondes. Pour l’avoir utilisé pendant deux jours sur la couverture du Sonisphere, je lui préfère aujourd’hui Twitvid, de loin.
CoverItLive pour Android et IOS :
Personnellement je n’utilise que très peu cette application, quelle que soit la plateforme, les possibilités offertes par les programmes sont trop limitées par rapport au PC. Un évènement ne peut être consulté s’il n’est pas lancé, la connexion au service est extrêmement longue, l’édition des tweets est difficile, bref, il vaut mieux avoir une station fixe proche pour faire du monitoring. Les applications tablettes ne sont à utiliser qu’en dernier recours et avec beaucoup de précautions.
Nicolas R.
20/09/2012
Très bon comparatif des outils en milieu journalistique.
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jcdrpro
20/09/2012
Merci 🙂
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